Pascal Cherki : Le 16 novembre, je voterai Laurent Fabius !

Publié le par les Socialistes du Rhône avec Laurent FABIUS

Adjoint au Maire de Paris, Pascal Cherki est membre du Conseil National du PS et Coordinateur National du courant NPS

Au Parti Socialiste, mon parti, dès l’annonce des candidatures le 3 octobre dernier un certain nombre de responsables politiques avait fait leur choix. Tel n’était pas mon cas. Je suis membre d’un courant, le NPS, qui rassemble un socialiste sur quatre et qui avait décidé de ne pas présenter un candidat au suffrage des militantes et des militants afin de ne pas ajouter de la confusion en concourant à la prolifération des candidatures et qui avait de ce fait appelé le 1er Secrétaire, François Hollande, à prendre ses responsabilités.

Aussi, orphelin d’un candidat issu de ma sensibilité, je me suis concentré non sur la promotion d’une personne mais sur le recherche de l’orientation la plus adéquate pour la gauche et les socialistes afin de déterminer dans un second temps qui de Laurent Fabius, Ségolène Royal ou Dominique Strauss-Kahn recueillerait ma voix le 16 novembre prochain. J’ai conduit ma réflexion dans la fidélité et la cohérence au regard de mes combats politiques de ces dernières années et celles-ci m’amènent lucidement mais résolument à voter Laurent Fabius.

Je n’ai jamais été " fabusien " et n’entends pas le devenir. J’ai toujours rejeté la structuration de PS en écuries présidentielles qui stérilisent la réflexion et transforment ma formation politique en un regroupement de clubs de supporters déterminés uniquement par le destin de leur chef de file. Ceci vaut tout particulièrement pour Laurent Fabius qui a toujours eu comme objectif d’être le candidat des socialistes à l’élection présidentielle. Mais le fait de n’avoir jamais été un proche de Laurent Fabius, voire même de l’avoir combattu un moment en interne dans ma formation politique, ne m’empêche pas aujourd’hui d’affirmer qu’il est le plus à même de conduire les socialistes lors de l’élection présidentielle.

J’ai toujours considéré que la politique était une question sérieuse qui nécessitait que les responsables politiques soient des gens sérieux. Plus particulièrement en France où la reconnaissance de la qualité de dirigeant d’envergure nationale par la population ne se décrète pas, même appuyée par une campagne de presse soigneusement et méticuleusement orchestrée, mais se construit. De ce point de vue, Laurent Fabius appartient, comme Lionel Jospin ou comme Henri Emmanuelli, à ce cercle restreint de dirigeants politiques dont on se dit que la capacité à exercer les plus hautes responsabilités ne saurait être contestée. C’est pourquoi je récuse les théories en vogue actuellement chez certains relais d’opinion qui nous expliquent à longueur de journée, sur les plateaux de télévision ou dans les colonnes des journaux, que nos concitoyens aspirent à une nouvelle manière de faire de la politique, plus " proche " des gens, plus " concrète ". Je les récuse d’autant plus que je sais que ce seront les mêmes qui, une fois notre candidat ou notre candidate désigné, ne manqueront pas avec la même assurance de soupeser la compatibilité de celui-ci ou de celle-ci à l’aune d’une fonction présidentielle à nouveau rehaussée.

Pour autant le sérieux ne fait pas tout. On peut se tromper avec beaucoup de sérieux. A gauche, la démonstration nous en a malheureusement été apportée le 21 avril 2002 où notre candidat, Lionel Jospin, de bonne foi et avec beaucoup de sérieux, est passé à côté de l’essentiel : le décrochage de notre électorat populaire qui n’a plus considéré que les socialistes avaient l’ambition et la capacité de les protéger des dégâts causés par un capitalisme de plus en plus financiarisé et de plus en plus libéral.

C’est pourquoi l’orientation que développera le candidat ou la candidate socialiste lors de la prochaine élection présidentielle comptera tout autant que son aptitude à exercer les plus hautes responsabilités et contribuera par là même à crédibiliser sa démarche et favoriser le rassemblement de notre électorat condition sine qua none pour espérer l’emporter dans cette élection qui s’annonce comme extrêmement difficile.

Or, aujourd’hui, la majorité des françaises et des français sont désorientés. Je veux parler ici d’une majorité très ample, celle des 90% de salariés qui gagnent moins de 3 000 euros par mois, dont plus de la moitié a un salaire qui n’excède pas les 1 300 euros et dont beaucoup encore sont au chômage ou dans l’angoisse de perdre leur emploi ou enfin ont une retraite qui leur permet tout juste de survivre. Ils ne comprennent plus le monde dans lequel ils vivent. Où plutôt ils refusent, à juste titre, d’admettre que le discours dominant qu’ils entendent quotidiennement de la part de la quasi-totalité des responsables de droite et de la majorité des responsables socialistes soit l’unique futur qui leur soit promis.

Depuis plus de 20 ans on leur répète que les sacrifices qu’ils consentent en matière de pouvoir d’achat, les efforts qu’ils réalisent en matière de productivité porteront demain leurs fruits. Et ils constatent, au contraire, que l’emploi industriel ne cesse de disparaître, que les salaires sont bloqués, que les droits sociaux patiemment et durement conquis sont sans cesse remis en cause. Et ils constatent que la promesse d’un avenir radieux et prospère dans une Europe enfin réunie s’est muée en une grande faucheuse néo-libérale déterminée à laminer tous les services publics, à mettre en concurrence tous les systèmes sociaux et fiscaux des Etats membres et dont la seule volonté affichée est de créer les conditions d’une ouverture encore plus effrénée aux importations en provenance de pays ayant à la fois une productivité qui se rapproche de la nôtre et des salaires 20 fois quand ce n’est pas 40 fois inférieurs. Et ils constatent que le " miracle " de l’Euro s’est transformé en un gigantesque coup de gourdin sur leur pouvoir d’achat par la hausse incontrôlée des prix des produits et des services de consommation courante. Et ils constatent cela en contemplant une classe politique qui continue encore et toujours à chanter les bienfaits d’une mondialisation dont il conviendrait de ne corriger que les dommages collatéraux et regrettables afin de lui faire reprendre son cours tranquille. Une classe politique qui apparaît de plus en plus déconnectée de leurs préoccupations fondamentales et donc, par contrecoup, de plus en plus en phase avec la toute petite minorité des bénéficiaires de cette mutation sans précédent du capitalisme.

La patience des français a des limites qui sont prés d’être atteintes. Et, quand les français sont à bout ils ne manifestent pas paisiblement leur mécontentement. Depuis 2002 la situation n’a cessé de se dégrader et le mécontentement des français n’a cessé de s’exprimer avec de plus en plus de détermination et de radicalité. Le mouvement social contre la prétendue " réforme " Fillon sur les retraites a été d’une très grande ampleur et la résistance contre le CPE a rassemblé plus de jeunes que Mai 68 et le mouvement de 1986 contre le projet de loi Devaquet réunis. Politiquement cela s’est traduit par des gifles électorales alternativement distribuées en 2002 contre la gauche, en 2003 et 2004 aux régionales et aux européennes contre la droite et le 29 mai 2005 à tous les partis UMP, PS, UDF et Verts qui avaient appelé à approuver le projet de Constitution libérale européenne. Il n’y a pas de raison que si rien ne change les français ne décident pas de renverser la table lors de l’élection présidentielle.

Ce mécontentement des français se manifestera d’autant plus qu’ils ont le sentiment que la République se délite quotidiennement. La révolte de la jeunesse des banlieues de l’automne dernier a révélé la profondeur de la fracture provoquée par la paupérisation d’une part sans cesse plus nombreuse de la population concentrée dans ces " ghettos ". Ce sentiment d’abandon gagne encore et toujours du terrain.

Si les socialistes ne sont pas à même de proposer une alternative globale, alors, une demande d’ordre, brute et sans nuances, jaillira lors du vote de l’élection présidentielle. La droite et l’extrême droite le savent, elles s’y préparent, conscients que, pour elles, c’est le seul moyen d’éviter que le débat ne se place sur le seul terrain où elles n’ont pas prise : celui de leur complicité assumée avec le dérèglement provoqué par les mouvements erratiques du libéralisme économique. L’extrême droite se tait pour l’instant, mais le moment venu elle ressortira la figure expiatoire de son bouc émissaire favori : l’immigré et avec lui ses enfants français. La droite se contentera de lui faire prendre la figure apparemment moins sulfureuse du jeune voyou délinquant.

Au regard de cette situation, Dominique Strauss-Khan, Ségolène Royal et Laurent Fabius proposent à ce jour trois orientations différentes entre lesquelles il nous faudra trancher.

Dominique Strauss-Kahn est le vrai archaïque des trois, au sens étymologique du terme en ce qu’il parle d’un passé révolu et qui ne reviendra pas de si tôt. Dominique Strauss-Kahn nous vante le temps où patronat et syndicats s’asseyaient ensemble à la table des négociations, sous les encouragements bienveillants des gouvernements et où, après d’âpres discussions, ils parvenaient à définir de nouveaux compromis. C’était le bon vieux temps des " trente glorieuses " dont mes parents me parlent avec des trémolos dans la voix. Mais voilà, on peut toujours le regretter, comme on regrette le temps des lampes à huile et de la marine à voile, mais cette époque est pour le moment derrière nous et pour longtemps. Aujourd’hui il n’y a plus de grain et la seule chose que le patronat souhaite moudre c’est les droits des salariés. C’est pourquoi son paradigme de faire prévaloir le contrat sur la loi constituerait, au regard du rapport actuel de forces très défavorable aux salariés, au mieux un contrat d’impuissance. Lionel Jospin et Martine Aubry l’avaient déjà très bien perçu et c’est la raison pour laquelle, malgré les cris d’orfraie du patronat, ils avaient choisi la voie législative pour parvenir aux 35 heures qui à défaut demeureraient encore à l’état de proposition non aboutie.

Ségolène Royal formule de nombreux constats. Sur ce terrain, elle est imbattable et apporte incontestablement une " tonalité " nouvelle et intéressante dans le débat politique. Mais, une succession de constats ne définissent pas une orientation politique pertinente, surtout quand ils sont accompagnés de propositions qui sont, elles, pour le moins discutables. La frénésie, la boulimie de propositions " concrètes ", de " bons sens " sur tous les sujets au gré de ce que l’on pense être l’humeur du moment contribuent à créer un climat de surenchère et de confusion qui brouillera à la longue totalement le message politique sur l’essentiel. D’autant plus que sur les principales lignes de force entre la gauche et la droite, on a souvent du mal à la situer. Ainsi, par exemple, sur le conflit capital-travail elle peut à la fois affirmer vouloir revaloriser le pouvoir d’achat et dans le même temps promouvoir " l’employabilité " des salariés. Or, " l’employabilité " est un concept directement importé de l’ultralibéralisme économique pour juguler justement les prétentions salariales en expliquant aux salariés que leur situation actuelle serait due à leur incapacité à être suffisamment " flexibles " dans une économie ouverte et mondialisée. Ainsi, encore, elle prétend restaurer le rôle de l’Etat tout en entendant transférer dans le même temps la responsabilité de l’aide économique publique aux régions, à contre-courant de ce que font actuellement la plupart des autres pays industrialisés du reste du monde. En fait Ségolène Royal s’essaie à une nouvelle conceptualisation politique, le " et-et ", dans une démarche attrape-tout qui à force de vouloir être partout risque de finir par nous conduire nulle part.

Reste Laurent Fabius. Je ne méconnais pas les réticences qui entourent sa personne et qui font peser sur lui un argument d’insincérité. Il est vrai que c’est Laurent Fabius qui a conduit avec détermination la politique issue du tournant de la rigueur et se traduisant par de très douloureuses restructurations industrielles au moment où il était Premier ministre entre 1984 et 1986. Il est vrai également que, revenu aux responsabilités en qualité de Ministre de l’économie et des finances, entre 2000 et 2002, il a conceptualisé, avec l’accord de la quasi-totalité des dirigeants socialistes de l’époque, une politique rejetée par une partie importante de notre électorat et vécue comme sociale-libérale. Mais, il n’en demeure pas moins que depuis 2002 il a suivi un chemin qui l’a conduit progressivement à reconsidérer beaucoup des anciennes certitudes sur lesquelles la social-démocratie européenne continue encore de s’égarer et de s’impuissanter.

Quand Laurent Fabius dit que le passage à un capitalisme hyper financiarisé nécessite que les socialistes réévaluent leurs outils d’analyse et leurs méthodes de combat de celui-ci, il a raison.

Quand Laurent Fabius dit que le libre-échangisme constitue une menace sans précédent sur la possibilité d’un développement économique équitable entre les continents et les pays, il a raison.

Quand Laurent Fabius, tirant les conséquences de sa critique du libre-échangisme, affirme que l’Europe doit maintenant se donner les moyens de protéger son industrie, il a raison.

Quand Laurent Fabius, dans le prolongement du combat contre la Constitution libérale européenne, affirme qu’il faut relancer l’Europe politique par l’adoption d’un nouveau texte constitutionnel limité aux seuls aspects politiques, qu’il faut défendre les services publics en rompant avec le dogme de la concurrence libre et non faussée, qu’il faut relancer l’Europe économique en redéfinissant de nouvelles missions pour la Banque centrale Européenne, en augmentant substantiellement le budget européen pour aider les nouveaux Etats membres à se mettre au niveau et permettre en contrepartie l’harmonisation par le haut des systèmes sociaux et fiscaux et enfin en promouvant des investissements d’avenir, il a raison.

Quand Laurent Fabius insiste sur l’impérieuse nécessité de revaloriser le pouvoir d’achat, il a raison et il faut n’avoir jamais eu à faire ses courses chez Leader Price, chez Lidl ou ne pas avoir à compter dés le 15 voire dés le début du mois pour considérer qu’une hausse immédiate de 100 euros du SMIC constituerait un gadget.

Je ne sais pas avec certitude si ce que dit et propose Laurent Fabius est suffisant pour nous faire gagner l’élection présidentielle mais je suis sûr en revanche que ce que disent et proposent Dominique Strauss-Kahn et Ségolène Royal fait courir plus de risque de nous la faire perdre.

Enfin, pour ceux qui auraient toujours des doutes sur la " sincérité " de Laurent Fabius, le meilleur antidote demeure encore le passage à une République nouvelle qu’il propose de mettre en œuvre par référendum dans les 6 mois de son élection. C’est la plus forte garantie que l’on peut espérer et il est le seul à la proposer avec autant de précision alors qu’elle fait pourtant partie intégrante du programme des socialistes.

Je préfère avoir à veiller à l’application et l’approfondissement d’une orientation dont je partage les lignes directrices que de me demander comment je pourrais en infléchir une dont je doute fortement et au secours de laquelle il ne me resterait qu’à me consoler en me disant que cela vaut toujours mieux que cinq nouvelles années de purge libérale et sécuritaire.

Voilà pourquoi, les yeux ouverts, je voterai Laurent Fabius et j’invite tous les militantes et les militants socialistes à en faire de même.

Publié dans Parti Socialiste

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